Dans ce long métrage documentaire sorti en 1977, Pierre Perrault retourne à Unamenshipu (La Romaine) et à Pakuashipi (près de Saint-Augustin), des communautés innues de la Basse-Côte-Nord du Québec qu’il a filmées en 1960. Exercice de cinéma direct exempt de narration, il s’inspire de l’esprit de la Révolution tranquille — le propre processus de décolonisation du Québec — et s’attaque à la dépossession culturelle et sociale des Autochtones. Le recours de Perrault à des spécialistes non autochtones pour médiatiser l’expérience des Premières Nations a été remis en question par des universitaires autochtones contemporains. La direction de la photographie est signée Bernard Gosselin, l’un des premiers praticiens du cinéma direct.
AVERTISSEMENT
« De 1960 à 1985, Alexis Joveneau, un missionnaire catholique belge de la congrégation cléricale des Oblats de Marie-Immaculée qui fut le curé des Montagnais de La Romaine (Innus d’Ulamen-Shipit) de 1953 à 1992, a participé à cinq films de l’ONF : Attiuk (1960), Ka Ke Ki Ku (1960), Le goût de la farine (1977), Le pays de la terre sans arbre ou le Mouchouânipi (1980) et La grande allure II (1985). Depuis novembre 2017, des allégations d’agressions ont été portées contre M. Joveneau par des membres de la communauté de La Romaine pendant les audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Des enquêtes et articles journalistiques récents ont rapporté d’autres allégations d’agressions sexuelles, d’abus physiques, psychologiques ou financiers ayant fait des dizaines de victimes. Le 29 mars 2018, une demande d'action collective a été déposée contre les Oblats de Marie-Immaculée en Cour Supérieure (du Québec). Le 16 novembre 2021, l’action collective a été autorisée. Les Oblats visés par ces allégations sont entre autres Alexis Joveneau, Omer Provencher, Edmond Brouillard, Raynald Couture et Édouard Meilleur. »
Le goût de la farine est le premier de deux longs métrages que Perrault consacrera aux Montagnais de la Côte-Nord.Toujours préoccupé par les questions liées à la culture et à l’identité, Perrault cherche à comprendre les raisons qui ont conduit les premiers habitants du pays à abandonner leur mode de vie traditionnel au profit d’une vie sédentaire qui ne correspond pas à leurs valeurs ancestrales. Ce film cible davantage la situation actuelle que vivent les résidents de la réserve de Saint-Augustin, là où l’alcool est devenu un symbole de l’aliénation d’une culture millénaire qui a perdu ses repères et son identité. Ce film pose aussi la question de la souveraineté qu’on finit par abandonner pour un peu de farine à laquelle on prend goût, et qui nous contraint de manger le pain des autres. Un portrait fort inquiétant de la réalité des Autochtones qui doivent trouver une façon de répondre à l’invasion d’une culture dominante à laquelle il est parfois très dur de résister. Plus largement, il s’agit d’une réflexion sur l’impérialisme étranger qui impose ses produits et le nouveau mode de vie qui vient avec ; une réflexion politique qui concerne chacun de nous car devant toute les formes de dépendances, nous dit Perrault, la solution serait de se reprendre en main afin de parvenir à rétablir un rapport de force avec celui qui nous envahit. Sur le plan cinématographique, ce film est l’occasion pour Perrault de réunir de ses personnages, en particulier l’Amérindien Basile Bellefleur et Alexis Joveneau, le curé-missionnaire de la réserve de La Romaine, qu’il a fréquentés et filmés dans ses premiers courts métrages à la fin des années 1950; nous retrouvons aussi le biologiste Didier Dufour, personnage central du film Un pays sans bon sens!
Denys Desjardins
From the playlist: L'œuvre de Pierre Perrault
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Le goût de la farine, Pierre Perrault, provided by the National Film Board of Canada
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